Histoire de France : 987-1461



Tome I (-200-987)
IX - (987-1108) Les quatre premiers Capétiens
X - (1108-1180) Consolidation de la dynastie
XI - (1180-1223) Philippe II Auguste
XII - Le grand XIIIème siècle
XIII -(1270-1330) La crise de la chrétienté et les Rois Maudits
XIV -(1328-1461) Les Valois et la Guerre de Cent Ans


IX - (987-1108) Les quatre premiers Capétiens : Hugues Capet, Robert II le Pieux, Henri Ier, Philippe Ier

Une dynastie stable

Seigneur bien moins puissant que ne l'a été son père, à cause de la régence pendant sa minorité, Hugues Capet est élu à la mort du dernier carolingien, Louis V et règne de 987 à 996. De son vivant même, pour éviter lélection par les pairs de France et assurer le trône à son fils Robert, il le fait sacrer.

Robert II le Pieux règne jusqu'en 1031. Puis, c'est le tour de Henri Ier, et enfin de Philippe Ier, dont le règne commence par une régence du comte de Flandre et de la reine mère.

Ces rois sont tous associés au trône du vivant de leur père, et l'élection qui suit (par les autres seigneurs, du moins ceux qui daignent s'en préoccuper) n'est qu'une formalité. Les rois de France ont totalement abandonné l'idée de partage du royaume, si désastreuse dans les siècles précédents. Chaque roi prend soi d'avoir un fils (quitte à changer d'épouse pour cela), et de vivre longtemps.

Des rois sans pouvoir

Par rapport aux règnes précédents, on a l'impression d'une grande stabilité (seulement quatre rois en plus d'un siècle). Mais le roi en cette époque n'est plus grand chose, ballotté entre les grands seigneurs plus puissants que lui, et son pouvoir est bafoué en permanence. L'administration n'existe pas.

Les provinces périphériques du royaume sont devenues des principautés quasiment indépendantes (Bourgogne dirigée par les frères d'Hugues Capet et leurs descendants, Bretagne, Aquitaine, Normandie aux mains des descendants des Vikings, Flandre), parfois depuis un siècle (Comté de Toulouse).

Les seigneurs de ces provinces ne reconnaissent le roi que purement formellement, quand elles daignent même lui prêter l'hommage. Des domaines plus proches de l'ancienne Neustrie, sont plus soumis, ou cherchent au contraire à soumettre le roi (Champagne, Vermandois, Maine, Anjou).

Les plus puissants sont le comte de Flandre, le comte de Vermandois et bien sûr le duc de Normandie, qui devient aussi roi d'Angleterre en 1066. Ce dernier posséde une province normande riche et remarquablement administrée, et Henri Ier, coalisé avec d'autres seigneurs, tente sans succès de l'abattre. D'autres puissants seigneurs (duc de Bourgogne et de Champagne) peuvent se révéler dangereux.

Les "barons pillards" de l'Ile de France rançonnent le roi au sein de son propre domaine, même si une bonne partie de la noblesse locale est fidèle au roi, qui y trouve les membres de son embryon d'administration.

Le roi, bien que plus faible que bien de ses vassaux, se lance parfois dans des entreprises ambitieuses (conquête réussie de la Bourgogne par Robert II, que son fils Henri Ier devra céder à son frère lors de querelles de successions), et profite des affrontements entre les seigneurs mêmes.

La division entre le nord et le sud de la France est encore très nette. La "renaissance carolingienne" s'est limitée au nord de la France, le sud reste encore sous influence de la culture et du droit romains. Les cultures d'hoc et d'oïl ont évolué différemment. L'indépendance vis-à-vis du roi n'arrange rien.

Les atouts des Capétiens

Le seul atout immédiat du roi, à part la chance qui a assuré une certaine stabilité du trône (longues vies des premiers Capétiens), est le sacre à Reims. Distingué par l'Église des autres grands seigneurs, le roi frappe l'imagination populaire, passe pour pouvoir faire des miracles, et possède une puissance spirituelle indéniable, malgré ses maigres terres. Cet avantage, tout ce qu'il y a de plus immatériel, sera soigneusement exploité par la dynastie pour survivre (Louis VII vers 1180), puis pour justifier son pouvoir grandissant.

Le roi possède aussi le pouvoir de "lever l'ost", c'est-à-dire de convoquer les armées de ses vassaux, et des vassaux de ceux-ci, ce qui lui donne une grande puissance, toute théorique. Le roi représente la France entière et va jusqu'à provoquer l'Empereur d'Allemagne (revendication de la Lorraine).

Cependant, les liens vassaliques se sont relâchés, et l'hommage (quand il est prêté...) implique moins la défense active du roi que l'abstention de tout acte d'hostilité envers lui.

De plus, le roi protège l'Église, qui le lui rend bien, car leurs intérêts se rejoignent. L'Église veut assagir les seigneurs guerriers, par conviction et pour utiliser leur énergie dans les Croisades. Malgré ce qu'ils lui doivent, les premiers rois parviennent à éviter de passer sous l'influence de cette même Église ; la nomination des évêques par le roi est une victoire importante. La rivalité traditionnelle entre l'Empereur allemand et le pape fait le profit du roi de France qui joue léquilibre entre ses deux suzerains potentiels (l'un temporel, l'autre spirituel et peut-être temporel).

Une autre stratégie, inaugurée par Henri Ier, est celle des alliances lointaines, notamment par mariage (Henri Ier épouse la fille du grand-duc de Kiev), et qui se révélera intéressante à long terme.

Contrairement aux Carolingiens, les nouveaux rois répugnent en général à céder tout ou partie du domaine royal déjà si étriqué. Ils deviennent des gestionnaires prudents, voire bourgeois et en tireront les bénéfices à long terme (défrichement de la Beauce).

Chaque terre grignotée par les premiers rois (Gâtinais, Vexin, Bourges...) est conservée. Même après que le domaine royal couvre une part importante du royaume, la théorie de l'inaliénabilité du domaine royal sera consolidée. Ce sera un des atouts maîtres des Capétiens.

D'autre part, le même phénomène qui a émietté le pouvoir royal érode à long terme le pouvoir des plus grands seigneurs, dont les propres vassaux cherchent à se libérer : ils préfèrent souvent la souveraineté directe et lointaine du roi que la tutelle d'un grand seigneur puissant. Tous ces seigneurs de second rang sont des alliés potentiels du roi.

Enfin, l'emplacement du domaine royal (entre le sud et les Flandre, sur la Loire et la Seine) est idéal pour profiter à plein du rétablissement du commerce et de l'expansion économique qui s'annoncent en ce milieu de Moyen Age.

L'Église

L'Église est réformée, notamment par la mise en place de règles plus strictes dans les monastères. Les évêques avaient un peu trop tendance à se prendre pour des princes temporels dans les territoires qui relevaient directement d'eux.

L'Église tente aussi d'assagir un peu les chevaliers, en leur donnant des devoirs et en introduisant le religieux dans leurs règles (adoubements, "paix de Dieu"...). Timidement, cette tendance pacifiste de la vie s'amplifiera (pas assez, hélas, pour empêcher les guerres).

Pendant ce temps...

L'Empire Romain d'Orient se débat toujours contre les Arabes vers l'est de l'actuelle Turquie, et reconquiert les Bulgares, Croates et Bosniaques. L'Empire ne conserve guère que le bout de la botte italienne en Europe Occidentale.

Vers 1000-1020, le roi Boleslas le Vaillant de la toute jeune Pologne (unifiée pour la première fois vers 960 à peu près sur son territoire actuel), agrandit temporairement son royaume aux dépens de l'Empire Germanique et de la Principauté de Kiev. La Pologne commence à se frotter à ses deux ennemis perpétuels, les Allemands et les Russes.

Au milieu du XIème siècle, les Normands prennent la Sicile au dépens des Musulmans, ce qui permet aux Chrétiens de reprendre le contrôle d'une bonne partie de la Méditerranée, et facilite grandement les croisades. Les Normands iront jusqu'en Mer Noire ! Les liaisons économiques entre la Mer Noire (Empire d'Orient) et la Scandinavie, plus rapides en passant par les fleuves russes, sera en partie à l'origine du développement du Grand-Duché de Kiev, premier royaume important en Russie.

En 1054, le schisme est définitif entre catholiques et orthodoxes ; il est motivé à la fois par des divergences d'avis théologiques et une opposition entre Rome et Byzance pour le leadership de la chrétienté.

En 1066, le duc de Normandie Guillaume le Conquérant, prétendant à la couronne d'Angleterre, va l'arracher, les armes à la main, au roi saxon, qui avait réussi à briser la domination danoise. Guillaume importe en Angleterre la féodalité, en attribuant à ses vassaux des terres dispersées, et soude ainsi son royaume. Pour longtemps encore, toute la noblesse anglaise sera de culture française, et la fusion entre les deux peuples sera très lente, ralentie encore par les conquêtes françaises des rois anglais. L'Angleterre devra des siècles encore se battre contre les Écossais. Les premiers rois de France ne peuvent tolérer une telle puissance, et bien sûr intrigueront toujours pour détacher la riche Normandie de l'Angleterre, notamment lors des partages successoraux.

En 1099 part la première croisade, menée par Godefroy de Bouillon, qui délivre Jérusalem, tombée aux mains de Turcs moins tolérants envers les pélerins chrétiens que les anciens maîtres. C'est la création des États francs du Levant, qui serviront de pont entre la culture musulmane et la chrétienne. Cette véritable invasion est motivée par des raisons religieuses (service de Dieu, rachat des péchés), politiques (aide à l'Empire d'Orient chrétien) et économiques (maîtrise de la Méditerranée par les marchands italiens, conquêtes de nouveaux territoires). Excommunié à ce moment pour un problème d'épouse abusivement répudiée, le roi de France Philippe Ier n'y participe pas.


X - (1108-1180) Consolidation de la dynastie

(1108-1137) Louis VI le Gros

Les cartes sont de Christos Nuessli
Europe An 1100

La coutume successorale française est à présent bien établie, l'élection devient simplement une acclamation. Le fils aîné de l'ancien roi devient le seul prétendant légitime au trône.

Louis VI le Gros réussit le premier à se défaire des encombrants seigneurs pillards de l'Ile de France. Son pouvoir n'est guère plus étendu que ses prédécesseurs, mais le progrès est capital. Pour briser le pouvoir des seigneurs, il soutient (hors de son territoire) le mouvement des communes, qui cherche à dégager les villes de l'emprise seigneuriales et à les rendre autonomes.

Par contre, la guerre contre le roi d'Angleterre et duc de Normandie, allié parfois à l'Empereur, aurait tourné à la catastrophe sans de gros coups de chance de Louis VI. Ce dernier cependant ne peut empêcher un mariage qui conduit à faire passer l'Angleterre et la Normandie dans les mains du puissant duc d'Anjou, ce qui crée l'empire anglo-angevin qu'affronteront ses deux successeurs.

Les liens avec l'Église se resserrent. Un religieux, Suger, abbé de Saint-Denis, devient l'habile conseiller du roi. La cour se fixe à Paris, et les Capétiens s'organisent autour de trois centres : Reims (sacre), Paris (capitale définitive), Saint-Denis (tombeau dynastique).

(1137-1180) Louis VII le Jeune

Aliénor d'Aquitaine

Louis VII réussit un fabuleux mariage grâce aux négociations de son père : il épouse Aliénor d'Aquitaine, héritière du duché, ce qui accroît considérablement le domaine royal.

Louis VII au début de son règne profite donc d'un royaume considérablement agrandi. Cependant, pour une histoire de nomination d'évêque, il doit mener une guerre (perdue) contre le pape.

Pour expier une faute (la population d'un village morte dans l'incendie d'une église lors de cette guerre), Louis VII se joint à la IIème croisade (1147), lancée pour secourir les États francs du Levant en difficulté contre les Arabes. C'est un échec, et la fidélité d'Aliénor durant le voyage est mise en doute. Celle-ci n'ayant pas donné de fils au roi, le mariage est annulé (l'interdiction religieuse des mariages entre parents, même éloignés, permet ce genre de magouille, réservée aux grands seigneurs et rois, tous plus ou moins parents).

Henri II Plantagenêt

La répudiation d'Aliénor est la plus grande erreur du siècle.

La duchesse dAquitaine se remarie (1152) avec le jeune Henri II Plantagenêt, héritier de l'Anjou et du Maine par son père Geoffroy, et du duché de Normandie et de la couronne d'Angleterre par sa mère.

En 1154, Henri II a ainsi constitué un empire, superbe exemple de mariages arrangés, qui va de l'Écosse à l'Espagne. La Bretagne est récupérée en 1166 par son fils Geoffroy. Le Pays de Galles, l'Irlande et l'Écosse sont sous sa (théorique) suzeraineté. L'histoire désigne ce royaume sous le nom d'empire anglo-angevin.

L'affrontement entre Louis VII et le jeune roi (plus français qu'anglais par sa culture et ses domaines) est inévitable, et mènera à la "première Guerre de Cent ans". Henri II est théoriquement vassal de Louis VII pour ses fiefs français (Normandie, Aquitaine, Bretagne, Anjou...). Les affrontements entre eux pour le contrôle du centre et du sud de la France sont souvent évités par Henri II, qui craint d'affronter directement le roi, personne sacrée. Cela sauvera en partie la France de l'hégémonie anglaise.

Affrontements

L'Empereur allemand Barberousse ajoute son grain de sel, en s'alliant aux Anglais. En cette époque de schisme, Louis VII s'oppose alors à lui sur le pape à reconnaître. Un traité résout la chose.

Les Français ont deux atouts : l'alliance écossaise, qui monopolisera beaucoup des efforts d'Henri II, et les dissensions entre Henri II et ses fils (Richard Coeur de Lion, Geoffroy, Jean sans Terre), qui réclament d'avance leur héritage, soutenus par leur mère Aliénor vite en froid avec Henri II. Les trois fils entrent en guerre contre leur père, avec la bénédiction de Louis VII puis de son successeur Philippe Auguste. Toujours pour nuire à Henri II, Louis VII protège l'évêque Thomas Beckett qui soppose à Henri II (Beckett rentrera en Angleterre et finira assassiné, ce qui nuira beaucoup à Henri II).

Le sud de la France

À cette époque le roi, dont la puissance militaire et territoriale commence à être égale, sinon supérieure à la plupart des autres seigneurs (à part Henri II), voit son influence, encore purement morale, augmenter dans le sud de la France, totalement isolé du nord jusque là.

Le sud, d'ailleurs, voit émerger une civilisation urbaine plus développée qu'au nord, grâce à la puissance des principautés indépendantes qui y sont apparues aux XIème et XIIème siècles et aux défrichements. Le Sud reprend alors les habitudes romaines (liens commerciaux avec le pourtour proche de la Méditerranée) et devient plus civilisé et plus policé... jusqu'à l'hérésie cathare.


XI - (1180-1223) Philippe II Auguste

L'extension du domaine royal

Dernier roi couronné du vivant de son père, Philippe Auguste est celui qui a véritablement fondé la puissance capétienne. Par son mariage qu'il arrange avec Isabelle de Hainaut (descendante directe des Carolingiens, ce qui réalise une prophétie qui annonçait que ceux-ci reviendraient sur le trône après sept générations), il récupère l'héritage de celle-ci, l'Artois. Il fait la guerre en Champagne et en Vermandois, et étend son domaine vers le nord.

Son pire ennemi est bien sûr le roi anglo-angevin Henri II. Vieillissant, celui-ci doit constamment affronter ses fils qui réclament leur part du domaine. Profitant de l'aubaine, Philippe Auguste s'allie à Richard Coeur de Lion, qui accepte de lui prêter hommage (ce qu'ont pourtant toujours cherché et chercheront à éviter tous les rois anglais vassaux du roi de France), ainsi qu'avec l'Empereur Barberousse. Henri II est battu et doit abandonner sa couronne.

La Croisade et la reprise de la guerre

En Palestine, Saladin a repris Jérusalem aux chrétiens. Richard, nouveau roi d'Angleterre, et Philippe participent à la IIIème croisade. C'est un échec. Les deux rois deviennent ennemis. Malade, Philippe rentre avant Richard, qui s'acharne inutilement en Terre Sainte. À son retour, Richard est victime d'une tempête en Dalmatie, et tombe entre les mains du duc d'Autriche, ennemi personnel, qui le livre à l'empereur d'Allemagne. Philippe Auguste profite de l'aubaine et paye l'empereur pour retenir Richard. Il profite en effet de l'alliance du régent anglais, Jean sans Terre, et de son incompétence, pour lui soutirer quelques places et territoires.

Richard enfin revenu chez lui, la guerre reprend, à l'avantage de l'Anglais. Mais Coeur de Lion se fait bêtement tuer lors du siège du château d'un vassal rebelle.

Jean sans Terre reprend la couronne anglaise. Pour une histoire de jeune fille enlevée et épousée de force (son mariage avec l'ancien prétendant aurait créé une principauté stratégiquement dangereuse), il est condamné par la "Cour de France" (assemblée du roi et de ses vassaux) à la perte de ses territoires français. Philippe reprend la vieille tactique de zizanie familiale, et attribue à Arthur, neveu de Jean, les territoires confisqués. La sentence doit encore être exécutée, Jean refusant de livrer ses fiefs. Arthur est capturé et égorgé par son oncle ; Jean est dépeint comme un être immonde, sanguinaire et la guerre reprend.

Philippe parvient à conquérir l'essentiel des fiefs français de Jean.

Bouvines

La montée en puissance du Capétien fait des jaloux. Jean regroupe autour de lui l'empereur Otton IV de Brunswick, le comte de Flandre et le comte de Boulogne. La situation devient critique pour les Français. Jean débarque en Aquitaine, et se fait écraser à la Roche-aux-Moines par le prince héritier Louis.

Les autres coalisés sont battus quelques jours plus tard par Philippe à la décisive bataille de Bouvines (1214). La France capétienne devient la première puissance européenne.

La guerre continue. Jean est en proie à la révolte de ses barons. Louis débarque en Angleterre et prend Londres. Philippe pense un temps se proclamer roi d'Angleterre (Jean est excommunié depuis 1209 pour avoir refusé de reconnaître le nouvel archevêque de Canterbury envoyé par le pape, lequel offre alors la couronne anglaise à Philippe Auguste), mais Jean s'humilie et, en désespoir de cause, place son pays dans la suzeraineté du pape. Le pape intervient pour sauver la couronne anglaise du fils de Jean à la mort de celui-ci. Parallèlement, les barons anglais ont imposé à leur roi la Magna Carta (1215), charte qui reconnaît des droits fondamentaux aux nobles, aux villes et à l'Église. Cette charte semble aller contre l'histoire (lépoque est celle du féodalisme pur), mais elle casse toute tentation absolutiste en Angleterre et ouvre la voie à la démocratie, des siècles plus tard.

Philippe, les femmes & l'Église

Sur le plan matrimonial, la vie de Philippe Auguste fut agitée. À la mort d'Isabelle, qui lui avait donné Louis, Philippe épouse Isambour, fille du roi danois, en vue d'une alliance contre l'Angleterre. La jeune femme lui répugne vite : il la répudie et épouse Agnès de Méran, au grand dam du pape qui lui ordonne de reprendre Ingeborg.

Le conflit ira jusqu'à frapper le royaume d'interdit pendant un temps ; Philippe céde finalement, pour la forme.

Bilan

Philippe a ouvert en beauté le XIIIème siècle en France. Son pouvoir est incontesté. Les Anglais ne gardent en France que le duché de Guyenne (de Bordeaux aux Pyrénées).

Le domaine royal a triplé (acquisition et conquête de l'Auvergne, du Maine, de l'Anjou, et surtout de la Normandie), et surtout il est bien géré : un système fiscal décent (mais encore fondé sur des impôts exceptionnels ou indirects) se met en place, l'administration (constituée de baillis issus de la petite noblesse du domaine royal) est efficace.

Le commerce est florissant, le sort des paysans s'améliore. La monarchie reprend le pas sur la noblesse. Le XIIIème siècle, apogée du Moyen Age, se met en place.

L'hérésie cathare

Les Cathares (ou Albigeois), jugeant, souvent à juste raison, l'Église romaine dissolue et incapable de tenir son rôle, penchent pour une doctrine fondée sur l'ascétisme. Leur doctrine se répand vers Albi et Toulouse.

L'hérésie majeure, aux yeux de lÉglise, est d'attribuer le Mal à Satan, niant alors que Dieu soit à l'origine de tout.

Les tentatives pacifiques de reconversion échouent. Le comte de Toulouse Raymond VI protège les Cathares. L'atmosphère s'envenime. Raymond IV est excommunié, et le légat du pape assassiné. Le pape "expose en proie" les terres de Raymond (n'importe qui a le droit de se les approprier), et invite Philippe Auguste à la croisade contre les Albigeois.

C'est pour le roi une bonne occasion d'agrandir ses terres, mais Philippe répugne à affronter toute une population hostile - en plus de ses ennemis habituels. Il laisse la corvée à des seigneurs du nord, dont Simon de Monfort est le chef et le plus féroce.

Le prince héritier Louis participe tout de même à la croisade. À partir de 1209, les villes cathares sont assiégées, prises, brûlées, et la population exterminée. Malgré l'intervention du roi d'Aragon, Toulouse tombe en 1215. Simon reçoit du pape les biens du comte excommunié, et prête hommage à Philippe pour affermir sa légitimité.

Les Cathares se révoltent à nouveau. Monfort est tué à Toulouse. Philippe refuse encore toute aide aux catholiques en Languedoc, craignant que les Anglais n'en profitent. Louis VIII devra, plus tard, finir le travail.

L'hérésie séteint en 1244, lors du bûcher géant de Montségur. Les princes sont assez vite matés, le peuple est plus long à convertir, mais l'Inquisition est très répressive. Le roi profitera beaucoup de la croisade pour affirmer sa suzeraineté dans le sud de la France, et l'annexion de nombreux territoires par des seigneurs venus du nord fera beaucoup pour l'unification du pays.

Pendant ce temps

Les cartes sont de Christos Nuessli
Europe An 1200

Après avoir résisté dans les Balkans à la menace petchenègue l'Empire d'Orient éclate : indépendances serbe et bulgare, conquêtes vénitiennes en Grèce (Crète, Naxos, Rhodes...), progression des Turcs Seldjoukides en Turquie. Enfin, la IVème croisade (1202-1204) est détournée par les Vénitiens qui, en échange de leur aide pour le transport en Terre Sainte, demandent aux Croisés de les aider à prendre, entre autres, Constantinople. Les Croisés ne vont pas plus loin et créent l'Empire latin de Constantinople. La Grèce prend son autonomie et se sépare en trois royaumes francs (duché de Morée, royaume de Thessalonique, duché d'Athènes). Des royaumes grecs prennent leur indépendance en Asie Mineure (empires de Trébizonde et Nicée, despotat d'Épire en Albanie).

Dans le Saint Empire Romain Germanique (bien plus grand que l'Allemagne actuelle, et qui comprend notamment l'Italie), la guerre plus ou moins ouverte entre l'Empereur et le pape amène la victoire de celui-ci, et des cités-États indépendantes comme Gênes, Venise ou Pise se créent.

L'Empire n'a plus grande prise sur l'Italie. Ces cités sont fondées sur le commerce maritime et l'interface avec le commerce terrestre (Venise est idéalement placée, proche de l'Europe Centrale, et avec vue sur la mer). Pendant des siècles, elles joueront un rôle majeur dans le commerce et l'expansion chrétienne en Méditerranée. Elles feront des conquêtes terrestres (côtes, îles, arrière-pays de la cité) pour sécuriser leurs voies et monopoles.


XII - Le grand XIIIème siècle : Louis VIII, Saint Louis, Philippe III

(1223-1226) Louis VIII le Lion

Louis VIII aurait sans doute été un grand roi de l'histoire de France s'il avait vécu plus longtemps. Son palmarès militaire, comme lieutenant de son père Philippe Auguste, est déjà fourni à son avènement.

La guerre contre le roi d'Angleterre reprend. Le pape pousse à la paix dans l'espoir de lancer une nouvelle croisade. Louis VIII, au contraire de Philippe Auguste, décide de s'engager personnellement dans le Midi pour récupérer des terres des Cathares. Il attend que le nouveau comte de Toulouse, Raymond VII, cathare, soit lui aussi excommunié, et part en expédition avec ses vassaux en 1225. Le Languedoc fait sa soumission. Les lois contre l'hérésie deviennent effroyablement sévères (bûcher). Louis VIII meurt de maladie au retour.

(1126-1270) Louis IX (Saint Louis)

Louis IX n'a que onze ans à la mort de son père. Sa mère espagnole, Blanche de Castille, effectue la régence. Cependant, les débuts sont difficiles, les grands seigneurs acceptant mal l'autorité d'une femme. Leur soumission est encore loin d'être totale, bien que les propres oncles du roi dirigent d'importants apanages (Artois, Anjou, Maine, Poitou, Auvergne...).

La régence de Blanche de Castille

Très pieuse et efficace, Blanche va énormément influencer son fils. Elle lui fait épouser Marguerite de Provence (dans l'optique d'une annexion du comté). À sa majorité, Louis garde sa mère parmi ses conseillers.

La Croisade

Après une maladie, Louis IX lance la VIIème croisade. Pour attaquer l'ennemi directement à ses bases, il débarque en Égypte en 1249. Après quelques succès initiaux (prise de Damiette), c'est un désastre, en partie à cause des maladies. L'armée et le roi sont fait prisonniers des Arabes et la rançon est lourde.

Après sa libération, Louis passe quelques années en Terre Sainte et remet de l'ordre dans les principautés chrétiennes locales, prolongeant quelque peu leur survie. En 1252, à la mort de sa mère Blanche, qui a à nouveau assuré la régence pendant la croisade, le roi retourne en France.

La gestion du royaume

Par contre, Louis IX n'admettait pas la révolte chez ses vassaux, continuateur en cela des précédents rois de France. La guerre privée est interdite, le duel judiciaire aboli, et certains abus de fonctionnaires punis, ce qui rend le roi d'autant plus populaire. La justice royale, qui tend à s'imposer au-dessus de la justice seigneuriale, est un moyen de mater les grands seigneurs tout en protégeant le peuple.

Louis IX crée la première cour de justice d'appel, qui deviendra le Parlement. Législateur, il est très attentif à l'administration du pays.

Parallèlement, son intransigeance religieuse le pousse à favoriser l'Inquisition (notamment, mais pas seulement, en pays cathare) et à persécuter les Juifs (interdiction de l'usure, étoiles jaunes).

Politique extérieure

Saint Louis préfère la négociation et les concessions à la guerre : paix (scellée par un mariage de sa fille) avec le roi d'Aragon, stabilisation des frontières du sud, paix avec lAnglais Henri III Plantagenêt, à qui il abandonne certains territoires contre la reconnaissance de la plus grande partie des conquêtes de Philippe Auguste et l'hommage.

Les Capétiens essaiment à travers l'Europe. Charles d'Anjou, frère du roi, devient roi de l'ancien royaume normand de Sicile (qui comprenait l'île et le sud de la botte italienne). Cette branche de la famille capétienne acquiert aussi la Provence et la Hongrie, et les Anjou seront presque plus prolifiques que leur branche aînée, les Capétiens de France.

La mort et la canonisation de Saint Louis

Enfin, en 1270, le roi se croise à nouveau, entraîné par son frère de Sicile. Il attaque Tunis, espérant ainsi pousser le bey à la conversion, mais la peste décime l'armée. Le roi, ainsi qu' un de ses fils, trépassent. La paix est signée entre Charles d'Anjou et le bey de Tunis.

Vingt-sept ans seulement après sa mort, Louis IX est canonisé sous le nom de Saint Louis, honneur qui rejaillit sur toute la dynastie. C'est en raison de sa légendaire piété (venue de sa mère), de sa bonté, de son aide aux pauvres, de son sens de la justice, de ses croisades que l'Église honore le roi défunt.

Pendant ce temps

À l'est, les Mongols détruisent le grand-duché de Kiev (1240) puis déferlent sur la Hongrie, et la Pologne, et poussent jusqu'à l'Adriatique. L'éphémère empire mongol, fondé par Gengis Khan, est le plus grand de l'histoire, et couvre la Chine, la Sibérie, l'Iran et l'Irak, et exerce la suzeraineté sur la Corée, la Russie, la Turquie et le Tibet.

Vite disloqué entre les fils du Khan, l'empire ne subsiste pas très longtemps et les Mongols sont finalement assimilés par les peuples qu'ils ont conquis (notamment les Chinois).

C'est l'époque des voyages de Marco Polo et de la reprise des liaisons entre Occident et Chine, longtemps coupées par les Parthes puis les Musulmans.

Les princes chrétiens et l'Église tentent de nouer des alliances avec les Mongols ou de les convertir, notamment en vue de prendre les Musulmans à revers. Ce sera un échec.

C'est aussi l'époque des invasions des Occidentaux dans les États Baltes actuels. Les Chevaliers Teutoniques et les Chevaliers Porte-Glaive, représentants de la civilisation allemande, écrasent les Polonais et les Slaves des bords de la Baltique, et s'en rendent maîtres. Les Allemands colonisent activement l'est de la Germanie et la Pologne.

Les Danois aussi investissent la Baltique et envahissent surtout l'Estonie.

En Russie, Alexandre Nevski, prince de Novgorod affronte et bat les Chevaliers Teutoniques (1242) et les Suédois, mais doit reconnaître la suzeraineté mongole.

Le XIIIème siècle, apogée du Moyen-Age (1180-1330)

Le XIIIème siècle, en France, s'ouvre en fait à la mort de Louis VII (1180), couvre les règne de Philippe Auguste, Louis VIII, Saint Louis, Philippe le Hardi et Philippe le Bel, et agonise avec les trois fils de ce dernier.

Prospérité

La prospérité de la France du XIIIème siècle vient d'abord de la prospérité des paysans, qui représentent encore l'écrasante majorité de la population. Les famines générales disparaissent quasiment en Europe, et on ne compte plus guère que des disettes régionales.

Cette prospérité a plusieurs causes. D'abord le développement des réseaux commerciaux, qui permet d'importer de la nourriture lors des pénuries. Ensuite, les surfaces cultivées s'accroissent (défrichements partout, et aussi gains sur la mer comme en Hollande). Les rendements augmentent (assolement triennal, usage plus répandu du cheval pour tirer les charrues, premiers traités d'agronomie). Le bétail devient de plus en plus nombreux en conséquence, même si la demande en céréales freine l'extension des pâturages.

Sur le plan technique, les campagnes s'équipent (moulins à eau et autres exploitations de la force hydraulique) ; la technologie n'est pas forcément améliorée (même si les chantiers des cathédrales ont mené à nombre d'innovations), elle est surtout plus diffusée. En construction, le bois disparaît des grandes constructions (châteaux, églises, palais) au profit de la pierre. Le fer est exploité plus intensivement (en Espagne, en Suède). Le progrès technique est surtout visible dans les produits de luxe, notamment en draperie, la spécialité italienne et flamande (La laine venant d'Angleterre, on voit au passage pourquoi la fidélité de la Flandre au roi de France sera souvent chancelante lors des guerres). Les métiers à tisser, le rouet apparaissent et se mécanisent. Leur extension est lente, souvent limitée par des intérêts privés. La soie est une autre industrie en plein essor. Auparavant importée de Byzance, elle est à présent produite en Italie après la quatrième Croisade. Autre nouveauté capitale, le papier est emprunté aux Musulmans.

Les routes et les moyens de transport ont été la condition du développement commercial. La sécurité des voyageurs est aussi meilleure ; de nouveaux axes commerciaux apparaissent donc. La boussole apparaît vers 1190. Les (encore très sommaires) cartes maritimes (portulans) et le gouvernail n'empêchent pas la navigation de rester risquée et hasardeuse. Les navires grossissent, surtout au Nord (domaine de la Hanse). La législation maritime et commerciale se développe également pour réguler cette expansion.

Les foires sont de plus en plus nombreuses, contrôlées et encouragées, particulièrement en Champagne. Les systèmes judiciaires doivent suivre tant bien que mal pour régler les litiges ; l'utilisation de l'écrit se développe en partie en réponse à cela. Les poids et mesures, encore loin d'être unifiées, sont au moins contrôlées par les corporations et administrations. Les princes protègent même les marchands originaires des États ennemis ! L'explosion du commerce est donc loin d'être un accident.

Le change et le calcul restent embryonnaires, mais les premiers manuels de calcul apparaissent (Fibonacci). Le prêt à intérêts, réprouvé par l'Église, est de plus en plus facilement excusé, et se répand malgré tout (en partie grâce aux Juifs, qui ne peuvent guère exercer d'autre métier).

La monnaie évolue aussi : les mines d'argent tournent à plein rendement, et les monnaies d'or réapparaissent, signe que les quantités de monnaie nécessaires sont de plus en plus considérables. C'est aussi une marque de prestige pour un État. Autre phénomène capital, la monnaie se répand dans les campagnes ; la part des impôts payée en argent devient importante. La fortune devient de plus en plus un signe de reconnaissance sociale.

La société

La société féodale atteint au XIIIème siècle son équilibre, entre clergé, noblesse (haute et petite), gens libres et serfs. Passer d'un état (noble, libre ou serf ; le clergé est hors-classe) à l'autre est quasiment impossible, et cela est justifié par un hypothétique "bien commun".

La noblesse voit son pouvoir se réduire, à cause de l'apparition de l'armée de métier, la pacification relative des États, la puissance croissante des rois et des villes, et de l'idéal chevaleresque généreux (la brute cède la pas au prud'homme instruit et réfléchi, qui oeuvre pour le bien commun). Enfin, le train de vie s'élève et les ressources des nobles ne suivent pas toujours, pendant que les commerçants s'enrichissent, ce qui diminue la puissance économique de la noblesse. Certaines familles doivent vendre leurs terres.

Certes, les nobles restent souvent très puissants (électeurs allemands, barons anglais, constitution en groupes d'influence...). La petite noblesse (économiquement la plus faible) peut s'élever par le service du roi, ou se vendre aux plus grands barons. Ces derniers forment de plus en plus un groupe social distinct.

Les paysans profitent bien sûr de l'expansion économique. Les affranchissements par rachat se multiplient et le roi favorise la libération des serfs. Une petite classe de paysans aisés apparaît. Mais ces progrès sont très inégalement répartis, la situation empirant dans certaines régions. Les seigneurs gardent la suprématie. Les dettes paysannes s'accumulent (souvent au profit des paysans aisés).

La démographie suit ce développement (doublement de la population européenne entre 1200 et 1340), au profit des villes souvent, qui mettent en sujétion économique les campagnes environnantes.

Les corporations sont l'épine dorsale de la société urbaine. Nées d'un désir de contrôle et de réglementation, elles permettent la domination des patrons. Les bourgeois sont les gens les plus favorisés économiquement et légalement, mais le patriarcat (grands marchands, nobles, propriétaires fonciers... mais pas d'artisans) garde le pouvoir politique, une fois l'hégémonie noble mise à bas. Les fortunes colossales des marchands les plus riches les rendent maîtres des villes ; le roi doit parfois intervenir pour protéger le peuple. Le processus est le plus développé en Italie, où l'Empereur n'a plus grand pouvoir sur les Cités-États.

Dans le domaine juridique, on a vu que le développement du commerce a forcé le développement de la justice et le passage à l'écrit. Le droit romain reprend le pas partout. Les anciennes coutumes et lois de chaque province sont en général conservées mais peu à peu mises par écrit. Le système judiciaire devient très complexe, et déjà paperassier et coûteux.

La constitution des États

Sur le plan politique, les pouvoirs royaux s'affirment en Europe de l'Ouest. En France, le roi ne tolère plus l'insoumission, ni la suzeraineté papale ou impériale (il est reconnu "empereur en son royaume"). Certes, le Saint Empire Romain Germanique, en conflit perpétuel avec la papauté, perd de son influence. En Europe de l'Est, les rois ont au contraire tendance à se faire déposséder de leurs prérogatives.

En fait, c'est surtout, c'est l'idée de royaume, d'un État, qui fait des progrès, au-dessus de la personnalité du roi (d'où, en France, l'inaliénabilité du domaine royal, qui n'est plus simplement la propriété du roi). Le roi doit gouverner en fonction du bien commun. Des mécanisme de contrôle apparaissent donc (Parlement anglais, États Généraux français...). En France, les institutions viennent à maturité sous Philippe le Bel.

L'Église et la religion

L'Église est la "monarchie" qui a le plus progressé au XIIIème siècle. Reconnaissant finalement que les princes ont un pouvoir temporel non lié à l'Église, et se reconnaissant incompétents pour certaines affaires de droit commun (même féodal), les papes s'arrogent par contre le pouvoir moral, et donc la possibilité d'intervenir directement malgré tout dans les affaires temporelles : des rois ou empereurs peuvent être jugés et excommuniés, voire déposés, des comtes cathares sont dépouillés, Jean sans Terre est excommunié pour avoir refusé de reconnaître un archevêque nommé par le pape.

Inversement, lorsque ce même Jean doit signer la Magna Carta, le pape la déclare nulle. Le pape aide les princes, mais veut garder une certaine suzeraineté sur eux. Cette suzeraineté peut être temporelle : la Sicile, l'Angleterre un moment, sont théoriquement données par le pape à leurs princes régnants. La séparation du temporel et du spirituel, voulue par les princes, est ainsi battue en brèche, et même hérétique... Dans l'Église, la primauté papale (droit canon) devient absolue dans tous les domaines.

Cependant, la position de l'Église est dans les faits toujours en retard sur la société, et les réformes y sont constamment à l'ordre du jour durant tout le siècle. L'Église tente aussi de se rapprocher de la masse des fidèles (le Purgatoire apparaît ; la pratique religieuse devient plus "matérielle" : rosaires, cérémonies...). L'hérésie (cathares...) est impitoyablement réprimée (Inquisition, croisades en Languedoc), mais mettra un siècle à disparaître.

Les ordres mendiants se développent (Dominicains, Franciscains...). Etablis dans les villes, ils sont à l'origine de l'évolution théologique (plus proche du peuple, mais souvent intolérante), ainsi que de tentatives d'évangélisation ratées (Afrique du Nord, Mongols) ou réussies (conversion des chrétiens nestoriens de Perse et de Chine).

Les universités sont encouragées ; elles deviennent autonomes (judiciairement et administrativement). Les études sont très longues et réservées à une élite. Une des grandes évolutions qui se sont produites sous le règne de Saint Louis est le développement de l'Université de Paris. Elle existait déjà, de même que celles de Montpellier ou Orléans. Elle prend une existence juridique, sous la tutelle directe du pape. Les locaux ne sont pas fixes, même si les "collèges" apparaissent pour loger les étudiants (d'où la Sorbonne). Les étudiants sont déjà agités, constamment en conflit avec le pape ou la police parisienne. Les maîtres en conflit avec l'Église (Thomas d'Aquin) sont les plus admirés. En conséquence, la théologie, centre de l'enseignement, perd un peu de place au profit des philosophes anciens (Aristote) ou étrangers (l'arabe Averroës), bien que l'Église aime peu l'influence de ces penseurs non catholiques. La réflexion est encouragée (dans certaines limites) ; les gros ouvrages de doctrine fleurissent.

Enfin, c'est l'âge des grandes cathédrales gothiques, commencées souvent au siècle précédent. Le renouveau de la foi, le support du pouvoir, l'enrichissement de la société, favorisent ce développement architectural, signe le plus visible d'une civilisation en plein essor.

Les lettres

La littérature voit apparaître des ouvrages en langue vulgaire car le public s'élargit. Le réalisme s'impose, l'humour est plus courant (fabliaux, Roman de Renart). Le siècle finira avec la Divine Comédie de Dante.


XIII -(1270-1330) La crise de la chrétienté et les Rois Maudits

La crise de la chrétienté, entre 1270 et 1330, est d'abord un essoufflement : défrichements moins nombreux car les terres restantes sont pauvres, à cause des limites des techniques agraires ; impossibilité de nourrir beaucoup de bétail ; diminution des forêts, crise du bois et érosion du sol ; accaparement de certains domaines par les paysans riches ; surproduction industrielle ; on ne construit plus de cathédrales, par limite technique (les plus hautes cathédrales s'écroulent, comme à Beauvais), ou parce que l'argent des croyants, bien que toujours abondant, va à des destinations plus "productives".

Les limites de la chrétienté sont atteintes également géographiquement : l'Espagne est reconquise, la Russie est évangélisée. La croisade ne fait plus recette après la mort de Saint Louis (le royaume musulman espagnol de Grenade tiendra encore deux siècles, et les royaumes francs du Levant disparaissent en 1291).

Les marchands ne se risquent guère hors de la Méditerranée (sauf Marco Polo). L'esprit d'entreprise n'a pas disparu mais l'Europe n'a rien à vendre à l'Orient... Le commerce ne peut s'étendre et grippe toute l'expansion chrétienne.

Intellectuellement, les voies de recherches (raisonnement rationnel et observation expérimentale) sont découragées par l'Église (qui y voit à juste titre un mouvement de contestation dangereux, parfois ouvertement exprimé) dans les universités et bloquent toute réflexion et avancée scientifique pour des siècles. L'Église n'est pas seule en cause, les outils scientifiques (formalisme mathématique...) manquent aussi pour progresser.

La crise économique surgit alors : les rois se modernisent et la bureaucratie et l'armée coûtent si chers qu'ils doivent emprunter (cf. Philippe le Bel et les Templiers). Ils abusent aussi des "remuements de monnaie", dévaluation autoritaires (par changement des valeurs nominales des pièces), qui diminuent les dettes. La chose est mal comprise et très mal vue des contemporains.

Les axes économiques changent et contournent la Champagne et ses foires, et aggravent le déséquilibre.

En conséquence, la crise sociale frappe ; le chômage s'étend dans les villes qui faisaient dans le textile, et les disparités pauvres/riches, accentuées, mènent à des troubles sociaux. L'hérésie et les insurrections contre les seigneurs, réprimées dans le sang, ne sont que des conséquences. Les nobles pâtissent aussi de la stagnation des revenus et des dévaluations ; leur réaction est violente et leur puissance encore réelle ébranle le monde féodal.

Les boucs émissaires sont vite trouvés : marchands étrangers, Juifs usuriers, Templiers, lépreux...

L'unité de la chrétienté s'effiloche aussi : l'Empereur abandonne finalement l'Italie ; le pape n'est plus à un moment qu'une potiche de Philippe le Bel.

Avant que les structures s'adaptent aux changements, et que l'élan reprenne, il faudra du temps : dans toute l'Europe, le XIVème siècle sera épouvantable, la guerre (de Cent Ans entre autres) étant la cerise sur le gâteau, suscitée en partie par une noblesse qui ne voient plus d'autres moyens de garder son pouvoir. La Renaissance marquera un rebond économique, d'abord en Italie (le Quattrocento), puis dans le reste de l'Europe, mais bien plus tard.

(1270-1285) Philippe III le Hardi

Le pas très long règne de Philippe III fut marqué par une nouvelle extension du domaine royal (récupération de l'apanage de son grand-oncle Alphonse de Poitiers), et par le mariage de Philippe, son fils cadet, mais futur roi, avec l'héritière du comté de Champagne.

Philippe III fait principalement juste la transition entre Saint Louis, qui profite du XIIIème siècle dans toute sa gloire, et Philippe le Bel, qui voit son crépuscule.

(1285-1314) Philippe IV le Bel

Philippe le Bel (dont le surnom est dû à son physique avantageux) est le dernier grand roi capétien direct. Il hérite d'un royaume respecté, paisible depuis longtemps, peuplé (15 millions d'habitants), et d'un domaine encore agrandi. Le grand et le petit commerce sont encore dynamiques, des dynasties bourgeoises apparaissent, les villes grandissent (Paris : 100 à 200 000 habitants), la condition paysanne s'améliore, les défrichements continuent.

Il reste des problèmes courants en cette fin de XIIIème siècle : famines épisodiques, problèmes des villes situées sur les chemins commerciaux en déclin (au profit des ports, du Rhin ou des Alpes).

Un roi administrateur

Philippe le Bel est un excellent administrateur. Le Parlement et la Cour des Comptes se distinguent officiellement du Conseil Royal. Les fonctionnaires (baillis) sont choisis dans toute la France et comprennent laïcs, clercs, bourgeois et nobles. Les contrôles sont plus fréquents.

Les États Généraux, assemblée des représentants des sujets, commencent à se réunir périodiquement ; ce n'est pas une limite au pouvoir royal, plutôt un moyen de donner à ses décisions une audience universelle, et de les faire approuver. Le système sera développé par la suite.

Le premier handicap du royaume est l'armée, trop proche du modèle féodal : les seigneurs doivent seulement quarante jours d'ost par an et préfèrent souvent payer une compensation financière au roi ; les milices urbaines sont peu nombreuses. Chère, une armée permanente ne peut pas être financée que par des impôts exceptionnels et impopulaires.

L'argent est donc le grand souci de Philippe le Bel, le système fiscal n'étant pas au point, et ses domaines propres étant insuffisants. Il lève des impôts sur l'Église, les étrangers, les Juifs, les marchands (et gêne ainsi le commerce), dévalue, et s'attaque aux Templiers en les accusant de trafics et sorcellerie.

Philippe n'aimait pas la guerre. Une avec les Anglais, et une autre contre les Flamands (économiquement liés aux Anglais), où les Français se font humilier (bataille des éperons d'or à Courtrai) avant de l'emporter difficilement, le dégoûtent de la chose. La guerre en Flandre se rallumera périodiquement, et continuera pendant la Guerre de Cent Ans.

Territorialement, Philippe accroît encore le domaine royal, notamment par l'acquisition (par mariage) de la Navarre. Il est le premier roi de France et de Navarre". Lyon, jusque là terre d'Empire, aussi passe dans l'orbite française.

Le conflit contre la papauté fut violent, lié à des questions d'impôts sur le clergé, et de soumission du pouvoir temporel au spirituel. Le roi, suivi par les évêques français, accuse le pape d'hérésie et le fait arrêter. Le pape suivant, placé à Avignon, sera beaucoup plus docile. Après des siècles de conflit entre rois, empereurs et papes, Philippe le Bel a réussi à briser la puissance papale.

Triste fin de règne

La dynastie est ébranlée par l'affaire de la Tour de Nesles : deux belles-filles du roi sont accusées d'avoir trompé leurs maris respectifs (futurs rois de France), et la troisième est complice. Les amants sont suppliciés, et les princesses emprisonnées. La femme du prince héritier Louis finit ses jours en prison (ce qui permet de la remplacer auprès du futur roi), et sa fille est soupçonnée de bâtardise - ce qui aura son importance. L'affaire des Templiers, enfin, est devenue célèbre . Moines soldats en Terre Sainte, devenus de puissants banquiers, réfugiés en Europe depuis la fin des États francs du Levant, ils étaient devenus un État dans l'État, et donc gênants. Sur la base de dénonciations mensongères ou exagérées (hérésie, idolâtrie, sodomie...), tous les Templiers sont arrêtés et la torture permet d'obtenir les aveux nécessaires. Ceux qui reviennent plus tard sur leurs aveux sont considérés comme relaps et donc condamnés au bûcher. Le pape, normalement suzerain de l'ordre, hésite à affronter ouvertement Philippe le Bel. Les Templiers sont fusionnés aux Chevaliers Hospitaliers (réforme qui aurait été de toute façon inéluctable). Les derniers dignitaires, relaps, sont brûlés. Selon la légende (cf. Les Rois Maudits), le grand maître Jacques de Molay assigne à comparaître devant Dieu le roi et le pape, qui meurent dans l'année.

Pendant ce temps

Les cartes sont de Christos Nuessli
Europe An 1300

En Russie, Moscou est indépendante. La petite principauté grandira petit à petit, en englobant ses plus proches ennemis, à commencer par le plus dangereux, la cité de Tver.

La Pologne s'émiette sous la poussée colonisatrice allemande et par dissensions internes. Seul le sentiment national subsiste.

Le pouvoir royal en Hongrie disparaît peu à peu ; des dynasties étrangères prennent le pays (dont la branche capétienne d'Anjou-Sicile).

Les rois de Bohème créent un empire (Autriche, Pologne, Hongrie) qui ne réussit pas à s'emparer de la couronne du Saint Empire Romain Germanique. La Bohème passe dans l'orbite allemande et autrichienne.

La Reconquistaespagnole est quasiment achevée. La péninsule est partagée (d'avance et par traité) entre le Portugal, la Castille (fusionnée avec le Léon), la petite Navarre, l'Aragon (qui s'étend aussi à l'extérieur) et le royaume musulman de Grenade, qui subsistera encore deux siècles. Les rois affermissent leur pouvoir.

L'Aragon met la main sur une grande partie de la Méditerranée Occidentale : extension sur la côte est de l'Espagne, reprise aux Arabes, conquêtes des Baléares, de la Sicile (après élimination de la Maison d'Anjou lors des Vêpres Siciliennes ; les chevaliers français sont un peu trop brutaux au goût des Italiens).

En face, Gênes récupère la Corse et la Sardaigne. Son empire commercial (ainsi que celui de Venise, les guerres permettant l'alternance des monopoles) va de l'Angleterre (via Gibraltar) au Maroc et à la Crimée. La carte d'Italie sort simplifiée du XIIIème siècle grâce à la prédominance de quelques villes, de la papauté (libérée de l'Empire dans la péninsule), et de la monarchie dans le Sud. C'est le "boom" économique de Milan et Florence.

L'Angleterre met la main sur le Pays de Galles et l'Ecosse (1314).

La Hanse, alliance de villes en Allemagne du nord, en Scandinavie et dans toute la Baltique, ainsi que les flottes de commerce italiennes, favorisent le commerce pendant tout le XIIIème siècle.

La Suisse se révolte contre les Habsbourg autrichiens, et proclame son indépendance en 1291. L'expansion se fera peu à peu par alliance avec les cités voisines. Les Suisses seront des mercenaires recherchés et une puissance respectable dans l'Europe les deux siècles suivant.

(1314-1316) Louis X le Hutin

Le XIVème siècle, en France comme dans le reste de l'Europe, va être très dur. La situation sous Philippe le Bel était encore supportable, mais son fils aîné et successeur sera incapable de résister aux pressions des nobles, mécontents de la centralisation royale et de leur perte relative d'influence dans la société. Louis X n'a ni la carrure de son père, ni le temps de l'acquérir, et ses deux frères qui régneront après lui n'auront pas le temps de redresser la situation.

Cédant à la noblesse, et surtout à son oncle Charles de Valois, Louis accorde aux nobles des chartes garantissant leurs privilèges, rétablit le droit de guerre privée aboli par Saint Louis, et fait condamner à mort Enguerrand de Marigny, l'efficace conseiller de son père, mais adversaire de Valois.

Le comte de Flandre prétendant à nouveau à l'indépendance, une coûteuse expédition est lancée, qui rebrousse chemin avant même d'arriver, vaincue par... la pluie.

Louis meurt après seize mois de règne. La réaction est toute puissante et le trésor à sec.

(1316) Jean Ier le Posthume

Philippe le Bel avait laissé trois fils : Louis, Philippe, et Charles. Louis X meurt en 1316. Pour la première fois depuis Hugues Capet, le roi ne laisse pas d'enfant mâle... mais la reine est enceinte au décès de son mari. La régence est effectuée par Philippe.

L'enfant naît : c'est un garçon, Jean, qui ne vivra que quelques jours (certains accuseront Philippe de l'avoir empoisonné).

(1316-1322) Philippe V le Long

Philippe le Long est le seul des trois frères à avoir la carrure de son père, mais son règne fut trop bref pour avoir retardé durablement la décadence du pouvoir royal.

Casse-tête dynastique

À la mort du jeune Jean Ier, un problème dynastique se pose : la fille de Louis, Jeanne, peut-elle devenir la première reine de France par héritage ? L'héritage des filles, en absence de mâle, est courant, même dans la haute noblesse (voir ci-dessus exemple Aliénor d'Aquitaine, ou la transmission de la couronne d'Angleterre via la mère d'Henri II Plantagenêt).

L'oncle Philippe aimerait toutefois récupérer la couronne pour lui-même, et son lobbying est efficace. Il est vrai que l'idée abstraite d'un royaume supérieur au roi lui-même, permet de ne pas respecter toutes les règles. Un danger mis en avant est la possibilité que la reine épouse un prince étranger, qui régnerait en son nom et mettrait l'indépendance du royaume en danger. On soupçonne la jeune princesse dêtre aussi une bâtarde (affaire de la Tour de Nesles).

Le Parlement et l'Université décident donc que les femmes n'ont pas droit à la couronne ("le royaume de France ne file pas quenouille"), et proclament roi le frère du défunt, Philippe V. La loi salique appliquée aux successions ne date réellement que de cette période.

Ce problème est à la base de la Guerre de Cent Ans : les Anglais, dont le roi descend de Philippe le Bel par sa fille, réclameront la couronne lorsque les trois fils de Philippe le Bel auront disparu sans postérité mâle.

Jeanne, fille de Louis X, hérite non de la couronne française, mais de la couronne de Navarre (que Louis X a hérité de son père), non soumise à la loi salique. C'est aussi une manière de la désintéresser, ainsi que la famille de sa mère Marguerite de Bourgogne. Elle épouse Philippe, comte d'Évreux. Leur fils, Charles le Mauvais, jouera un rôle important lors de la Guerre de Cent Ans. Descendant direct de Louis X, il voudra lui aussi faire valoir ses droits à la couronne, supérieurs d'ailleurs à ceux d'Edouard III d'Angleterre.

(Dans la série des coïncidences étranges, on observera que les trois dynasties capétiennes, Capétiens directs, Valois, Bourbons, finiront toutes par trois frères : Louis X, Philippe V et Charles IV vers 1320 ; François II, Charles IX et Henri III vers 1570, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X avant et après la Révolution).

La suite de son père

La guerre de Flandre résolue par la médiation du pape et un mariage princier, Philippe perfectionne encore les institutions royales, entre autres en instituant un Grand Conseil consultatif, et en divisant le Parlement en plusieurs chambres.

En plus des famines qui recommencent en ce XIVème siècle, et qui ont déjà marqué le règne de Louis X, l'époque est aussi marquée par la Croisades des Pastoureaux, foule de jeunes pauvres qui veulent partir en Croisade, vite rejoints par les éléments les moins recommandables du royaume, et qui ravagent tout sur leur passage, pendant une année. Ils sont réduits dans le sang.

Les Juifs et les Lombards sont une fois de plus rançonnés ou persécutés (toujours des problèmes d'argent). Les lépreux sont brûlés ou emprisonnés, accusés d'avoir empoisonné les puits.

Philippe V meurt de dysenterie, laissant quatre filles, et à nouveau aucun fils.

(1322-1328) Charles IV le Bel

Sans talent pour gouverner, Charles IV laisse l'administration à son oncle Charles de Valois, personnage chevaleresque et bon général, mais sans vision politique à long terme comme Philippe le Bel.

Le fait le plus important est la reprise de la guerre avec l'Angleterre, et surtout le soutien au coup d'état à Londres de la reine Isabelle (soeur de Charles IV) et de son amant Mortimer. Le roi Edouard II, faible, incapable et contesté, est déposé et probablement assassiné, et Edouard III, le jeune fils de celui-ci et d'Isabelle, monte sur le trône. La paix est signée avec la France. Edouard III, au départ sous l'influence de Mortimer, qui se prend vite pour le roi, le fait finalement pendre. À l'image de son grand-père Philippe le Bel, il réorganise son royaume.

Charles de Valois est, selon la loi salique, l'héritier légitime du trône, car le roi n'a pas d'enfants, malgré un remariage avec la fille de l'empereur d'Allemagne. Mais l'oncle du roi meurt en 1325 et c'est son fils Philippe, cousin du roi, qui lui succède comme héritier du trône, et devient roi à la mort de Charles IV.


XIV -(1328-1461) Les Valois et la Guerre de Cent Ans

(1328-1350) Philippe VI de Valois

Une nouvelle dynastie

Les Valois ne sont pas à proprement parler une nouvelle dynastie, mais une branche cadette de la dynastie capétienne. Les enfants de Philippe le Bel ne laissent pas d'héritier mâle, pour la première fois en 300 ans chez les Capétiens, la couronne passe à un cousin, Philippe de Valois, fils de Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel.

D'autres prétendants

Philippe VI est le cousin de son prédecesseur Charles IV. Cependant, le roi d'Angleterre Edouard III petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle, prétend défendre ses droits à la couronne. Selon la loi salique imposée par Philippe V quelques années auparavant pour écarter la fille de Louis X du trône, la couronne ne peut être portée par les femmes, mais Edouard III avance qu'elles peuvent la transmettre.

Futur autre prétendant, Charles le Mauvais, roi de Navarre, fils de la fille de Louis X le Hutin déshéritée par Philippe V, naît en 1332. Il est petit-fils par sa mère de Louis X, fils aîné et successeur de Philippe le Bel. Mais cette mère est pour certain de légitimé douteuse (affaire de la Tour de Nesles).

Tous les prétextes à d'inextricables guerres de succession sont donc en place.

L'opposition franco-anglaise ; les causes de la Guerre de Cent Ans

Les deux rois, pour commencer, sont très différents. Edouard III, petit-fils de Philippe le Bel, en a les qualités dadministrateur. Alors que Philippe VI est, comme son père Charles, un chevalier qui rêve plus de batailles et de tournois que de bien gérer son royaume, et a un sens politique plus réduit.

Les deux régions les plus riches du royaume de France sont à cette époque la Flandre, économiquement liée à l'Angleterre (qui fournit la laine des fabriques de drap), et la Guyenne (de Bordeaux aux Pyrénées), productrice de vins renommés, et dernière possession anglaise en France, héritée d'Aliénor d'Aquitaine. Ce sont deux régions qui sont traditionnellement des points de friction, et qu'aucun des deux rois ne voudra lâcher.

Troisième zone contestée, la Bretagne relève de la zone d'influence des deux pays.

L'affaire de Robert d'Artois est une cause immédiate  : dépossédé de son comté par sa tante, intriguant auprès des différents rois pour le récupérer, il produit de faux documents lors du procès en restitution, est déclaré criminel et doit s'expatrier. C'est lui qui, en désespoir de cause, pousse Edouard III à la guerre contre Philippe VI qui l'a trahi.

Début de la Guerre de Cent Ans

La Guerre de Cent Ans (1337-1453) n'est pas une guerre totale. Au départ simple série d'escarmouches, les rois s'affrontent rarement directement et se livrent souvent à une guerre indirecte dans les régions périphériques (révoltes flamandes, guerres de succession bretonnes) ou à des raids sans intention de conquête (chevauchées du Prince Noir).

Ces combats sont entrecoupés de nombreuses trêves (médiation de l'Église). Les contemporains n'ont pas conscience d'une longue guerre ininterrompue pendant 116 ans. Les dates de début et de fin sont d'ailleurs assez arbitraires.

Pendant toute la première phase (règnes de Philippe VI, Jean II, Charles V), les Anglais lancent surtout des raids. Après une longue trêve, la seconde phase (règnes de Charles VI et VII) voit une nouvelle tentative de conquête anglaise, plus sérieuse, avec la Bourgogne comme troisième joueur.

Première batailles

Pour l'heure, Edouard III accepte tout d'abord (après avoir longtemps renâclé) de prêter hommage à Philippe VI pour la Guyenne, comme ses prédécesseurs depuis Saint Louis. Cependant, les frictions sont nombreuses : conflits de marins pour la pêche, incidents entre marchands, soutien français aux Ecossais...

Trois fronts vont s'ouvrir : la Guyenne, la Flandre, la Bretagne.

En Guyenne, Philippe VI attaque. Ce roi-chevalier rêve d'annexer cette riche terre. En réponse, Edouard III en 1337 réclame la couronne française et envoie son défi à Philippe "qui se dit roi de France".

Sur le papier, Edouard III a un royaume et une puissance bien plus faibles que Philippe, mais il a des alliés flamands et allemands. De son côté, Philippe a l'appui de la Castille et du pape.

Les Flamands, une fois de plus insurgés, ont été battus à Cassel en 1328. En 1338, une nouvelle révolte, venue de la bourgeoisie, éclate, et Edouard III peut débarquer et se faire reconnaître comme roi de France par les Flamands en 1340.

Premier désastre français, capital, la bataille navale de l'Ecluse (1340) permet aux Anglais d'envoyer par le fond la flotte franco-castillane, et d'éviter tout risque d'invasion de l'Angleterre. Une trêve est signée.

La Bretagne s'enflamme à son tour en 1341, lors d'une succession difficile, chaque camp soutenant un prétendant.

La guerre reprenant, Edouard débarque à nouveau et est forcé à la bataille par Philippe VI à Crécy.

Crécy (1346)

La bataille de Crécy (1346) est une des pires catastrophes militaires de l'Histoire de France : la fine fleur de la chevalerie française est massacrée par les Anglais et les Flamands.

Cette défaite est due en grande partie à l'inorganisation de la chevalerie française, indisciplinée et plus soucieuse de faits d'armes et de gloire que de stratégie. Un seigneur français, venu avec ses vassaux à l'appel du roi, a par exemple le droit de quitter le champ de bataille plus ou moins à son gré, et beaucoup ne s'en privent pas. Les chevaliers méprisent leur propre infanterie, nhésitant pas à la dépasser ou la piétiner.

De plus, un chevalier français désarçonné ne peut se relever. L'efficacité des archers anglais est aussi redoutable. Cette défaite provoqua la fin de bien des lignées de chevaliers.

Edouard III ne peut exploiter vraiment son succès. Avant de rembarquer, il prend Calais, qui tombe dans les mains anglaises pour deux siècles.

La Peste Noire frappe, et le pape réussit à imposer une trêve de sept ans.

La Peste Noire

Un malheur ne vient jamais seul dans ce siècle maudit : venue de Crimée, répandue par les voies commerciales, la Peste fait disparaître un quart de la population européenne, et touche tous les milieux sociaux ; des membres de la famille royale en meurt. Il faudra plus d'un siècle pour gommer ses traces. Cette épidémie resurgit épisodiquement dans les années suivantes, et marquera fortement les esprits.

La religion devient en conséquence plus spirituelle et s'éloigne des spéculations théologiques du reste du Moyen-Age.

Hors la guerre

Pacifiquement, Philippe VI achète à son souverain endetté le Dauphiné (attribué à l'héritier de la couronne française, qui prend alors le titre de Dauphin) et aussi achète Montpellier à l'Aragon. Il distribue des apanages et diminue ainsi son domaine propre, même s'il annule dautres donations.

Les problèmes d'argent subsistent, aggravés par la guerre. Les États Généraux de langue d'hoc et d'oïl (ils sont alors réunis séparément) n'accordent des impôts qu'après de sévères remontrances au roi.

(1350-1364) Jean II le Bon

Comme son père et son grand-père, Jean II est un chevalier, plus soucieux de batailles que d'administration.

Une fois de plus, le roi manque d'argent. Les États Généraux ne lui en promettent que contre certaines concessions (contrôle des fonds, arrêts des dévaluations).

Le roi se brouille avec son retors gendre Charles le Mauvais (roi de la Navarre, détenteur de places fortes en Ile-de-France et du Cotentin), après l'avoir spolié de certaines terres. Charles fait assassiner le favori de Jean II, Charles de La Cerda, et essaye de plus de retourner le dauphin Charles contre son père. Charles le Mauvais se retoruve emprisonné en 1356.

La guerre reprend en 1355 à l'issue des trêves : les Anglais ne tentent toujours pas réellement une invasion méthodique du royaume ; ils procèdent plutôt par chevauchées depuis Calais ou la Guyenne, et pillent tout sur leur passage. La population est bien sûr la première à souffrir.

Le Prince Noir (fils d'Edouard III, héritier de la couronne anglaise, qui ne régna cependant pas) dévaste le Midi.

Poitiers (1356)

La bataille de Poitiers (1356) est un nouveau désastre : le roi attaque le Prince Noir, et aurait pu l'emporter facilement sans des erreurs stratégiques (indiscipline, combat des chevaliers en armure à pied !). Jean le Bon et son jeune fils le futur Philippe de Bourgogne (se souvenir de l'image d'Epinal "Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche !") sont fait prisonniers et partent en Angleterre, ainsi que nombre de chevaliers de marque (nombre de petits chevaliers sans fortune par contre sont égorgés par les Anglais).

La régence du Dauphin Charles

D'autres catastrophes s'abattent sur le royaume, qui réclament toute l'habileté du jeune Dauphin, Régent et futur roi Charles, qui a la chance de ne pas être fait prisonnier à Poitiers.

Les bourgeois de Paris, menés par Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris (et maire de fait), obtiennent un contrôle des finances par les États Généraux. Ils libèrent Charles le Mauvais et tentent de mettre le Dauphin sous tutelle.

La Jacquerie éclate à ce moment : les paysans se révoltent contre les impôts, les nobles, la guerre (mais pas le roi) ; Etienne Marcel les soutient. L'affrontement franco-anglais devient vite un affrontement nobles-paysans. Le Dauphin doit s'enfuir ; Charles le Mauvais écrase les "Jacques", les Anglais aident le Régent assiégé à Meaux. Force reste aux nobles. Etienne Marcel offre Paris aux Anglais. Les Parisiens exaspérés le renversent et il périt assassiné (1358). Le Dauphin reprend la confiance de Paris.

La paix est indispensable pour redresser un royaume au bord de l'abîme. Les Anglais aussi sont las d'une si longue et coûteuse guerre. Le premier traité de paix, très dur, est rejeté par les États Généraux. En 1360 est signé le moins désastreux traité de Brétigny, qui accorde aux Anglais une rançon énorme, et surtout leur offre la mainmise (sans hommage) sur un quart du royaume (Principauté d'Aquitaine : de Poitiers aux Pyrénées et de l'Atlantique à l'Auvergne); en échange Edouard III renonce au trône de France.

Charles le Mauvais est récompensé par un bout de Normandie de son double jeu au profit des Anglais.

Jean le Bon rentre en France. Deux membres de sa famille partent en Angleterre comme garantie, mais l'un d'eux s'échappe. Jean, chevaleresque, retourne à Londres et y meurt.

(1364-1380) Charles V le Sage

Charles V contraste avec son père. De constitution moins robuste, il est beaucoup plus réfléchi et moins tenté par leur armes, qu'il laisse à celui qui sera son atout maître contre les Anglais, le connétable Bertrand du Guesclin.

Le début de la dynastie bourguignonne

En 1361, meurt Philippe de Rouvres, dernier des ducs de Bourgogne capétiens (issus de Robert Ier le Pieux), adopté par Jean le Bon qui avait épousé sa mère, veuve du duc précédent. Il n'y a pas d'héritier mâle. Le duché est réuni à la couronne par Jean.

Charles V doit cependant attribuer un fief à son frère Philippe le Hardi, à qui il fait épouser la veuve de Philippe de Rouvres (laquelle hérite de la Flandre). Philippe est donc à l'origine de la puissante Maison de Bourgogne (Bourgogne et Flandre notamment) qui donnera tant de fil à retordre aux rois suivants.

Les réformes de l'administration du royaume portent notamment sur les impôts, dont le système de collecte s'améliore et l'armée (mieux équipée, plus disciplinée).

Du Guesclin

Le nettoyage du royaume commence par l'élimination de Charles le Mauvais par du Guesclin. Le roi de France reconnaît la victoire du prétendant anglais en Bretagne, en échange de l'hommage et de l'alliance. Les Grandes Compagnies, bandes de soldats désoeuvrés pillards, ravagent le royaume. Du Guesclin les emmène en Castille participer à une guerre de succession. Le royaume est débarrassé, le connétable se couvre de gloire (même si le Prince Noir, qui participe aussi à cette guerre, le fait prisonnier  ; Charles V paie la rançon), et récupère pour son compte des fiefs espagnols en plus de ceux conquis en France (Longueville).

La guerre reprend en 1369, pour un problème juridique de souveraineté très local. Revenu en France, du Guesclin s'en prend aux Anglais. Il lance une guerre d'embuscades. Parallèlement, la tactique de la terre brûlée est adoptée pour affaiblir l'ennemi. Le succès est complet : les Anglais, peu nombreux, perdent progressivement leurs possessions. Les intrigues de l'infatigable Charles le Mauvais ne parviennent quà lui faire perdre ses derniers grands domaines français.

Fin de la première phase de la Guerre de Cent Ans

En 1380, les Anglais ne gardent que quelques villes portuaires ; les Français ont presque tout récupéré, Flandre comprise. La Bretagne rentre sous influence française en 1381. Mais les deux royaumes sont ruinés par la guerre, la Peste, les conflits sociaux, et les impôts devenus écrasants. Les deux rois ennemis disparaissent dans la même période, ainsi que du Guesclin. La trêve est nécessaire mais les causes de la guerre n'ont pas disparu.

(1380-1422) Charles VI le Bien-Aimé

Le jeune Charles VI hérite d'un royaume éprouvé mais dont l'avenir semble à nouveau prometteur : les conseillers de Charles V permettent un redressement rapide, le commerce reprend, les alliances allemande et castillane assurent la paix.

Plusieurs choses vont casser ce rêve. D'abord, les oncles du roi (Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, Jean, duc de Berry, Louis d'Anjou, duc d'Anjou et roi de Naples), devenus régents, renvoient les conseillers de Charles V (les "marmousets"). Ceux-ci reviennent au pouvoir quand Charles VI, lors d'un mini-coup d'État en 1388, affirme son intention de régner seul.

Chaque duc a des ambitions différentes : Jean de Berry cherche de l'argent pour son train de vie fastueux ; Louis d'Anjou, dans la tradition des ducs d'Anjou, cherche à conquérir l'Italie du Nord ; Philippe de Bourgogne cherche à unifier ses domaines (Flandre, héritée de sa femme, et son apanage de Bourgogne).

La Flandre se soulève une fois de plus, mais est matée.

Le fait qui fait basculer l'histoire est la folie du roi, alternativement lucide, hystérique et prostré, depuis 1392. Les oncles reprennent la régence.

En 1404 disparaissent Louis d'Anjou et Philippe de Bourgogne, à qui succèdent Louis II d'Anjou et Jean sans Peur.

Le propre frère du roi, Louis d'Orléans, participe aux intrigues. Il est allié au pape d'Avignon (c'est une période de schisme...) et ennemi des Anglais, alors que le duc de Bourgogne veut éviter toute tension avec l'Angleterre à cause de la Flandre, et est allié du pape de Rome.

Simultanément, en Angleterre, les Lancastre déposent puis assassinent Richard III, partisan de la paix, et établissent une nouvelle dynastie, qui débute par Henri IV, puis Henri V (1413).

La guerre civile : Armagnacs et Bourguignons

En 1407, Louis d'Orléans est assassiné par des hommes du duc de Bourgogne Jean sans Peur. Paris, la reine Isabeau (haïe du peuple), et une bonne partie de la population sont favorables aux Bourguignons. Le duc n'a aucun problème à se faire pardonner par la Cour.

Les partisans des Orléans (dont le beau-père de la victime, le duc d'Armagnac) s'allient aux ducs de Berry (oncle du roi) et Louis de Bourbon (descendant de Saint Louis). La tension monte. Le peuple change peu à peu de côté, les réformes promises par Jean sans Peur (tuteur de fait du roi fou) n'ayant pas d'effet. La guerre civile se développe peu à peu. Jean sans Peur doit fuir Paris.

La trêve de1414 n'arrange rien. Les deux partis, de plus, cherchent tous les deux l'alliance anglaise pour pouvoir l'emporter à coup sûr : la guerre civile réintroduit le loup dans la bergerie.

Reprise de la guerre franco-anglaise ; Azincourt

Henri V, en 1415, a repris son pays, ses vassaux et les Gallois en main. Il s'allie d'abord aux Armagnacs (contre la Bourgogne, dangereuse à cause de la Flandre). Mais les exigences anglaises (restitution de la Normandie, la Flandre, la Bretagne, l'Aquitaine, et la main de la princesse royale Catherine) sont inacceptables pour les Français, et les Anglais changent de bord.

Henri V débarque donc en Normandie, et obtient la neutralité bourguignonne. À Azincourt, il écrase l'armée française qui n'a pas retenu grand-chose de Crécy et Poitiers.

La population verse à nouveau du côté bourguignon. La victoire anglaise promet au moins un retour à la paix. Jean sans Peur revient à Paris. Les Armagnacs (le jeune dauphin Charles dans leurs bagages) se réfugient au sud de la Loire.

Les Anglais prennent la Normandie. Henri V progresse lentement, ne voulant pas qu'une trop grande agressivité de sa part ne réunifie les Français sur son dos. Contrairement à son prédecesseur une soixantaine d'années plus tôt, il cherche à conquérir du pays et ne mène pas juste des raids dévastateurs.

Triomphe d'Henri V

Jean sans Peur, régent, ne peut négocier en ignorant totalement le jeune dauphin, héritier du trône. En 1419, une rencontre à Montereau entre Charles et Jean sans Peur finit par l'assassinat de ce dernier.

Le nouveau duc de Bourgogne Philippe le Bon verse alors définitivement du côté anglais. Henri V n'en profite pas immédiatement. Il attend que le dauphin soit fini : celui-ci n'a plus de troupes, et sa mère la reine Isabeau déclare qu'il n'est pas le fils du roi. Les Bourguignons mènent le jeu en France : Henri V peut épouser la fille du roi, Catherine, et se fait reconnaître comme héritier de Charles VI (traité de Troyes, 1420). Le Parlement approuve.

Les deux rois Henri V, puis Charles VI meurent en 1422. Henri VI n'a qu'un an mais est proclamé roi des deux royaumes et son oncle le duc de Bedford est régent.

(1422-1461) Charles VII

Le Dauphin en mauvais posture

La France est divisée en trois : la Bourgogne (qui allait de Mâcon à la Frise via le Luxembourg), celle soumise aux Anglais (Guyenne, nord de la Loire), et le royaume croupion fidèle au dauphin ("royaume de Bourges", au sud de la Loire).

Il reste au jeune Dauphin quelques cartes : les seigneurs du Sud haïssent les Anglais ; les comtes de Foix et d'Armagnac, le Languedoc, le Lyonnais, les bandes des Gascons (qui effraient tant les Parisiens) lui sont fidèles, ainsi que Dunois, fils illégitime de Louis d'Orléans.

Ce n'est pas suffisant; bien d'autres puissants seigneurs sont alliés aux Anglais ou prisonniers en Angleterre (dont le fils de Louis d'Orléans, le duc poète Charles d'Orléans, père du futur Louis XII).

Un royaume ruiné

Le royaume est ruiné. Les soldats ne font des dégâts que sur leur chemin, mais toutes les armées sont dangereuses (Anglais, routiers, mercenaires, ost royale...). Les impôts de guerre et la désorganisation gênent le commerce et poussent les marchands à utiliser de plus en plus la mer, au détriment des villes de l'intérieur.

Les famines et la Peste, qui reparaissent régulièrement, dépeuplent les villages et les villes. Les inévitables révoltes paysannes (et dans les villes) sont matées avec la dernière cruauté par des nobles appauvris et inquiets.

L'administration royale est en ruine et les impôts, jamais permanents, ne rentrent plus. On est aussi dans une période de régression du pouvoir royal : indépendamment de la guerre, les grands fiefs seigneuriaux se sont reconstitués (Bourbon, Bourgogne...).

La suite des hostilités

Le Midi est à la source du regain de puissance du roi. Par haine des Anglais, les États Généraux locaux votent des fonds.

Parallèlement, la population de la zone occupée rejette à nouveau les Anglais, qui continuent la guerre et maintiennent les impôts. Des troubles éclatent. Les Anglais sont trop peu nombreux pour tenir très longtemps, et décident d'éliminer définitivement le royaume de Bourges.

Jeanne dArc

En 1429, l'effet de l'arrivée de Jeanne d'Arc fut surtout psychologique. Le dauphin, faible de caractère, se sentait perdu (et avait même des doutes sur sa légitimité à cause de sa mère).

Jeanne, venue de Lorraine, disant avoir entendu des voix, redonna confiance au dauphin qui n'a plus rien à perdre. Son arrivée devant Orléans assiégée par les Anglais permet la libération de la ville. La même année, elle emmène Charles VII se faire sacrer à Reims.

Le peuple, superstitieux, suit ce roi à présent sacré et la "pucelle" guidée par Dieu. De guerre féodale, la Guerre de Cent Ans devient une guerre nationale guidée par un sentiment mystique.

Les Anglais le comprennent et accusent Jeanne de sorcellerie via le clergé du Nord, pro-Anglais. Les Bourguignons réussissent à faire Jeanne prisonnière, et la livrent aux Anglais, qui la brûlent pour sorcellerie en 1431.

Revirement bourguignon

Bedford et Charles VII ne peuvent continuer la guerre, faute de moyens et aucun ne semble pouvoir l'emporter. Philippe le Bon se pose en médiateur, sans succès.

Enfin, il accepte la paix avec Charles VII, passant l'éponge sur le meurtre de Jean sans Peur. Cela coûte très cher territorialement au roi, et la Bourgogne gagne une quasi-indépendance (Traité d'Arras, 1435). Les Bourguignons sont puissants à Paris, qui tombe facilement. Le sort des Anglais est scellé.

Fin de la guerre

Une trêve dure de 1444 à 1449. Charles VII met ce temps à profit.

Quand la guerre reprend, les Anglais sont balayés. Les capitaines français sont (enfin !) plus capables qu'aux batailles précédentes. Les victoires sont facilitées par le déclenchement, en Angleterre, de la sanglante Guerre des deux Roses, entre les maisons de York et de Lancastre, et qui durera trente ans.

En 1453, Charles VII a reconquis tout son royaume, à l'exception de Calais. Même la Guyenne, anglaise depuis trois siècles, passe sous son autorité, avec une certaine opposition de la population.

Derniers adversaires de la couronne, les "écorcheurs", anciens mercenaires des trois armées, au chômage, devenus pillards, sont incorporés de force dans l'armée régulière, ou décimés.

Au sortir de la Guerre de Cent Ans

La guerre a duré de 1338 à 1436 (116 ans) mais il faut en soustraire toutes les trêves (notamment le début du règne de Charles VI).

La France en sort ruinée. Les batailles ont fait relativement peu de morts à côté des ravages des chevauchées (villages brûlés, villes pillées...), des famines et de la Peste.

La terre est retournée en friches en de nombreux endroits, des villes entières sont ruinées. Le commerce est presque au point mort, les marchands italiens ne s'aventurant plus dans les ports ou les zones de combats. Bordeaux, coupée de l'Angleterre, commence à péricliter.

Les régions moins touchées (Bretagne, Centre, Est, Midi) en profitent ; les circuits commerciaux se sont un peu restructurés vers ces régions.

Une catégorie de grands commerçants émerge, qui sait en tirer parti et remplacer les Italiens (Jacques Coeur). La bourgeoisie reprend toute l'influence perdue pendant la Guerre de Cent Ans.

Politiquement, le roi est encore faible ; les grands seigneurs ont repris leurs habitudes d'indépendance, en particulier le plus puissant, le duc de Bourgogne. C'est le travail de Charles VII et de Louis XI de rétablir la puissance royale.

Pendant ce temps

Pendant que la France et l'Angleterre se déchirent, le reste du monde continue à évoluer. L'Europe moderne apparaît peu à peu, avec de nombreuses difficultés.

L'Aragon continue sa politique d'expansion en Méditerranée : après les Baléares, la Sardaigne, la Sicile, c'est au tour du royaume de Naples de tomber entre ses mains (1442). La Castille est déchirée par des guerres dynastiques.

Les Grandes découvertes commencent : les Açores, les Canaries apparaissent sur les cartes. C'est le début d'une période de recherche intensive de nouveaux chemins commerciaux qui débouchera accidentellement sur la découverte de l'Amérique en 1492.

En 1386, la Pologne et le Grand Duché de Lituanie fusionnent et constituent un gigantesque empire qui coure de la Pologne actuelle aux environs de Moscou, de la Baltique à la Crimée. L'équilibre de cette région de l'Europe est bouleversé : l'Église orthodoxe recule (les Polonais sont catholiques), les Chevaliers Teutoniques deviennent des vassaux. Plus tard, la Bohème et la Hongrie passent aussi entre les mains polonaises, le Saint Empire Romain Germanique est menacé, mais sera sauvé par l'alliance de Moscou et l'arrivée irrésistible des Turcs Ottomans.

La principauté de Moscou s'étend encore. Après la disparition de l'Empire d'Orient et la conversion au catholicisme des Lituaniens, Moscou se retrouve seule héritière de fait de la tradition orthodoxe byzantine ("troisième Rome"). Les Mongols sont tenus à distance (Horde d'Or).

L'Union de Kalmar (1397) permet l'unification de la Scandinavie (Danemark, Suède, Norvège) pour plus d'un siècle grâce à des mariages réussis.

L'Empire byzantin n'est plus constitué en 1402 que de Constantinople et de confettis en Grèce. C'est en 1453 que l'Empire Ottoman, en expansion permanente depuis un siècle, prend la ville et met définitivement fin à un Empire Romain vieux de plus de 2000 ans.

Les Turcs Ottomans s'avancent rapidement dans les Balkans (prises de la Bulgarie et de la Serbie), ainsi qu'en Egypte. Ils contrôlent vite la moitié orientale de la Méditerranée, en face des rois d'Aragon. Ces nouveaux venus dans l'histoire européenne, musulmans, vont se tailler progressivement un empire en Europe jusque Vienne (1529). On parle à nouveau en Europe de croisade contre les Turcs.

Le déclin de l'empire turc ne commencera que vers 1700 très long et il ne disparaît qu'après la guerre de 1914-1918.

Le grand conquérant turc Tamerlan fonde un empire de la Turquie à la Chine ; ses expéditions le mènent en Turquie, à Damas, en Inde, en Russie. Son but est de reconstruire l'empire de Gengis Khan, mais il meurt trop tôt, et son empire ne lui survit pas.

La Chine reprend son indépendance après l'assimilation des Mongols. Le pays se réorganise et prospère. Des grandes expéditions maritimes sont lancées jusqu'en Mer Rouge ou en Afrique, mais elles restent hélas sans lendemain.

Les Incas fondent leur empire dans les Andes.


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