• Les Studios sont d’une aide précieuse pour les deux albums suivants, Objectif Lune et On a marché sur la Lune (1953 et 1954), très techniques et très documentés.

    Hergé veut une fusée lunaire réaliste, à une époque où Spoutnik n’a même pas encore été lancé. La NASA n’optera finalement pas pour le même concept d’Hergé, mais les inspirateurs des deux projets sont les mêmes : von Braun et Oberth, les créateurs des V2 allemands. La fusée n’est pas la seule réussite, tout l’environnement est plausible. Quelques détails sautent cependant aux yeux du lecteur actuel, qui ne sont pas si évidents à l’époque : par exemple la Terre, vue de la Lune, devrait posséder des nuages - qu’Hergé supposait transparents.

    Cet album marque un retour en Syldavie qui, manifestement, a beaucoup changé depuis le Sceptre d’Ottokar. L’espionnage évoqué rappelle la Guerre Froide en cours.
  • En 1956 paraît l’Affaire Tournesol, histoire d’espionnage en Europe. Cette fois, les références politiques sont claires : la Syldavie est à l’ouest, et la Bordurie du moustachu et mégalomane maréchal Plekszy-Gladz évoque furieusement l’URSS de Staline. On est au sommet de la Guerre Froide. L’invention de Tournesol, destructrice, équivaut à la bombe H dont les deux superpuissances rivales viennent de se doter dans la course aux armements.
  • Retour au Khemed avec Coke en Stock, qui traite du problème - encore en partie actuel... - de l’esclavage. L’album voit réapparaître une foule de personnages des albums précédents, parfois très anciens (ce phénomène est souvent le signe qu’une série commence à s’essoufler mais ce n’est qu’une fausse alerte). Il est également daté par le matériel et les allusions à la guerre récemment terminée (les Mosquitos vendus aux rebelles du Khemed, ou le sous-marin qui tente de torpiller le navire de Tintin et Haddock, par exemple).

    Comme dans Tintin au Congo, les Noirs qui parlent « petit nègre » dans la toute première version utilisent un français correct dans les suivantes.
  • Tintin au Tibet (1960), un des meilleurs albums d’Hergé, reparle de Tchang, l’ami du Lotus Bleu. L’album est devenu un des symboles de la culture espérantiste par son thème et la qualité de l’édition en espéranto.
  • Les Bijoux de la Castafiore (1963) marque le début du dynamitage de l’univers habituel de Tintin. Si on réfléchit bien, il ne se passe rien dans cet album : des objets volés ne le sont pas, Tintin et Haddock restent chez eux, seuls sont présents les personnages, et cela suffit à l’histoire. Le principal indice qui date un peu l’album, à côté des costumes et des lignes des voitures, est constitué par l’invention de Tournesol : la télé couleur !
  • Vol 714 pour Sydney date de 1968 - les aventures du petit reporter qui apparemment n’écrit jamais une ligne s’espacent de plus en plus. L’avion aux ailes adaptatives de Carreidas contraste sérieusement avec les coucous à hélice que Tintin empruntait avant-guerre (Hergé a d’ailleurs sous-traité le dessin à Roger Leloup). Le contenu historique est faible, aucun écho de la Guerre Froide. Les ambitions indépendantistes des Indonésiens recrutés par Rastapopoulos pourraient provenir de n’importe quand au XXè siècle. Par contre, l’intervention d’une soucoupe volante est plus ou moins dans l’air du temps.
  • Tintin et les Picaros, dernier album achevé par Hergé, aussi tard que 1976, s’inspire beaucoup plus de son époque : les dictatures sud-américaines ne remontent certes pas à hier (le général Alcazar « date » de l’Oreille cassée, dans les années 30) mais les années 70 marquent leur apogée (Brésil, Argentine, Chili...). Le message de la dernière case est clair : quel que soit le général au pouvoir (et Alcazar n’est d’ailleurs pas un personnage très positif), les pauvres des favellas ne verront pas la différence.

    Tintin sacrifie à la mode de l’époque : il est passé aux jeans !

À suivre...